3/17/2012

Critique du programme de santé du FN pour 2012

Ce programme comprend des propositions qui paraissent « sociales » mais qui retombent en caricatures de préférence nationale, de chasse à la fraude et de libéralisme pro capitaliste.

Il y a peu, Marine Le Pen a qualifié la « TVA sociale » de Sarkozy de « TVA anti-sociale et patronale ». C’était le titre d’une brochure économique de la CGT en 2007. Il y a au FN, en 2012, des « gens » qui s’inspirent et simulent des messages syndicaux et sociaux (comme le dénommé  Soral, « rouge brun », et d’autres…). Leur but est de rendre le programme du FN présentable chez les travailleurs, en tout cas de jeter le trouble…

Le programme de santé du FN pour 2012 fait partie de cette démarche.


Des propositions et un « ton » nouveaux
Voici ce que l’on trouve sur le site du FN aux chapitres Retraite et Dépendance :
« Les retraités et les personnes dépendantes ont le droit d’obtenir de la collectivité des conditions convenables  d’existence comme l’indique le préambule de la Constitution de 1946. Cette solidarité nationale est l’expression du lien social qui unit les Français, quelle que soit leur génération. Elle doit être garantie par la pérennisation du système de retraite par répartition et par la prise en charge du risque de dépendance par la Sécurité Sociale. Les difficultés actuelles de financement des retraites sont liées à l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses nées après-guerre (dites générations du « baby-boom »), et l’effort de solidarité nationale doit être, pour cette raison, temporairement accentué. La question de la dépendance est quant à elle plus structurelle et liée au vieillissement de la population ainsi qu’au développement de maladies invalidantes en forte progression chez les personnes âgées, comme la maladie d’Alzheimer. Les sources de financement complémentaires à mobiliser en vue de la pérennisation du système des retraites et de la gestion de la dépendance ne doivent cependant pas peser sur les salariés. »

Plus loin, dans les propositions on trouvera : « Il est urgent de créer, au sein de la Sécurité sociale [c’est nous qui soulignons], une cinquième branche dédiée à la perte d’autonomie… Il est exclu que cette branche repose sur des mécanismes assurant les privés. » Or c’était le projet de Sarkozy que celui d’une assurance privée obligatoire à partir de 50 ans… de préférence chez Médéric dont le délégué général est le frère du président. Ce projet sarkozien est aujourd’hui en veilleuse comme sait le faire cet hyper-président activiste et agité. En sera-t-il de même pour sa TVA  anti-sociale et patronale ? De toute façon, quand le venin est lancé, il faut y répondre !

Dans le programme du FN au lieu de l’assurance privée obligatoire cela donne au contraire : « cette branche se verra confier l’ensemble des moyens financiers et humains mis en œuvre par les départements notamment l’APA [« allocation personnalisée à l’autonomie »] et les moyens des Etablissements de santé [lesquels ?] ». De plus : « les professionnels concernés et les aidants familiaux doivent bénéficier de formations spécifiques [gratuites ? validantes ?] ». Mais comment financer tout cela ? En augmentant les cotisations sociales patronales et donc le salaire (socialisé) comme le proposent les syndicats ouvriers ? Non ! Ouf ! Le patronat peut souffler. En effet : « le financement de la dépendance bénéficiera de recettes  issues des droits de douane augmentés (sortie de l’euro…) »… et d’une « démographie vigoureuse » (sic).

Marine Le Pen et l’IVG
Récemment « Le Pen-fille » a désigné… le Planning familial comme « centre d’incitation à l’avortement » visant ainsi à le criminaliser. Elle a réaffirmé sa volonté, si le FN accédait au pouvoir, de dérembourser l’IVG – comme le FN en fit la proposition de loi en 1986 –, étant par ailleurs pour organiser un référendum contre l’avortement.
Consciente de son incapacité à remettre en cause frontalement les acquis de la loi Veil, Marine Le Pen, voulant progresser dans l’électorat féminin, valorise les alternatives à l’IVG : l’adoption prénatale, un salaire parental – qui n’est en réalité qu’un salaire maternel qui vise à confiner les femmes au foyer –, une politique nataliste d’Etat dépossédant les femmes de leurs droits à disposer de leur corps.
Cette charge, totalement compatible avec la politique gouvernementale de « casse de la santé publique », est une illustration de la stratégie frontiste, toujours en connexion avec les milieux intégristes.
Le FN reste un danger pour les femmes.

En définitive des propositions et un « ton » bien connus… et délirants ?
Le programme de santé du FN reconnaît que beaucoup de Français renoncent à se soigner : « Il faut défendre la sécu et la taxe sur les complémentaires santé de Sarkozy creuse le fossé entre une santé des pauvres et celles des riches… ». Mais comment lutter ? Comme le « trou » de la Sécu est bien réel, pour le FN, qu’il n’est pas fabriqué par le système ni par les exonérations patronales, ni par le chômage, ni par l’industrie pharmaceutique… « c’est en rationalisant  les dépenses et en luttant sans merci contre les abus »… qu’on redressera les comptes de la Sécu. Plus loin, on lit : « La lutte contre la fraude permettra de diviser par quatre ou cinq ans le déficit et de faire 15 milliards d’économie. Pour cela, il faudra mobiliser l’ensemble des services publics (caisses de sécurité sociale, collectivités, services fiscaux, médecins…). »

Dans les propositions, ce thème délirant de la fraude est systématisé avec la proposition de création d’un « secrétariat d’Etat à la fraude » !

Or les études montrent que la fraude reste de petit volume  quand on parle, comme le FN, de celles des particuliers… et surtout des particuliers immigrés. Par contre – mais  le FN n’en parle pas – la fraude de gros volume existe : elle est le fait du patronat. C’est  une fraude au financement de la Sécu par « le travail au noir » et par l’énorme sous-déclaration organisée des accidents du travail (AT) et  des maladies  professionnelles (MP). C’est le chantage contre la déclaration faite au salarié et donc c’est la caisse Maladie qui paye et non pas la caisse ATMP. Or cette caisse est abondée par le seul patronat et… miracle !… elle est chaque année en équilibre ! La CGT chiffre cette fraude patronale à la bagatelle de 10 à 15 milliards par an. Là est la fraude et pas chez les particuliers ! Un exemple : il y a en France 100 000 opérations du canal carpien par an. Or 10 000 seulement sont déclarés en AT. Les 90 000 restants sont sans doute le fait de joueurs ou joueuses de golf ! Non, c’est le fait des câbleuses auto, caissières,  etc.

Pour en finir avec la fraude et le délire FN quand il y a fraude dans les soins aux particuliers c’est le fait des professionnels eux-mêmes comme médecins, kinés ambulanciers… médecins surtout grâce au paiement à l’acte et donc à la multiplication des actes et aux dépassements d’honoraires… organisés par les syndicats médicaux libéraux et… le gouvernement ! Pas un mot de tout cela dans le délire à la fraude (des immigrés) du FN !
Ce « secrétariat d’Etat à la fraude », annonce le programme du FN sur la santé, devra « supprimer les cartes Vitale frauduleuses qui engendrent une consommation de soins illégale de personnes venant en France… pour se faire soigner ». Il faut, poursuit-il, « passer à la carte Vitale biométrique et au regroupement  des fichiers », « désactiver les cartes surnuméraires », ceci passant par la « lutte contre les faux papiers » qui ouvrent des « droits illégaux aux soins » pour les « clandestins ». Il faut, bien sûr, « supprimer l’AME [« aide médicale d’Etat »] qui est donnée au migrants clandestins ». Il faut aussi « une lutte vigoureuse contre les arrêts de travail de confort et les récidivistes n’auront plus accès aux dispositifs d’aides », que « les collectivités territoriales doivent aider à les localiser ».
Dans ce programme de santé du FN, la lutte contre le gaspillage va jusqu’à la recommandation de « la vente au détail des médicaments prescrits contre les contingentements trop importants, source de gaspillage… ».
On y trouvera enfin une insistance pour la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Et comment cela sera-t-il financé ?
« Les économies réalisées grâce à la suppression de l’AME seront affectées aux malades et à leurs familles… ». Quant aux médicaments anti-Alzheimer, même imparfaits, ils ne seront pas « déremboursés ».
Il est proposé « un desserrement du numérus clausus des facultés de médecine pour pourvoir aux besoins de soins qui augmentent… », mais avec du personnel français formé en France. Tout recrutement d’un personnel étranger ne doit être possible qu’après démonstration de l’absence d’un « National apte ». s’agit-il d’établir les besoins de santé démocratiquement ?
Non ! Mais pour une surveillance du système de santé, les Agences régionales de santé (ARS) seront… renforcées ! Rappelons que le mouvement syndical propose leur suppression ainsi que l’abrogation de la loi HSPT dite Bachelot et de la tarification à l’acte dite T2A.

En conclusion
Le programme de santé 2012 du FN fait part de préoccupations sociales étonnantes. Mais il retombe sur ses pieds xénophobes en discriminant l’immigré, l’immigré source de fraude et de grand déficit.
On peut penser qu’il a été écrit à deux mains.
D’un côté l’équipe mariniste avec ses pseudo-ouvertures et critiques pour autant jamais anticapitalistes. Par exemple, pas un mot sur les exonérations patronales par rapport à la Sécu. De la même façon, dans le programme général, le FN propose 200 euros d’augmentation de salaire… Non pas payée par le patronat mais par l’Etat lui-même, c’est-à-dire les salariés et leurs impôts.
D’un autre côté l’équipe Gollnisch, galaxie des droites réactionnaires et ultra-libérales, religieuses… avec son « secrétariat d’Etat à la fraude » comme solution délirante. Il y aurait un tournant en faveur de la laïcité des marinistes. Mais comme pour l’IVG et les femmes, ceci est purement instrumental, ici pour un autre délire, le délire islamophobe… ce qui rejoint la défense des « civilisations qui n’oppriment pas les femmes » de Guéant contre celles (l’islam) qui…
Au total
On assiste donc à une transformation du discours du FN, en apparence chaotique. Il parle de retraite à 60 ans, de défense des services publics, mais il épargne le patronat national ; les PME et TPE sont à soutenir et… la dette publique doit être payée… en la « nationalisant », en utilisant « l’épargne des Français »… Pas celle des patrons ?
L’analyse du programme de santé 2012 du FN montre bien ses incohérences et les deux faces de son discours : social et national… national-socialiste, disait-on dans les années 1930. Au-delà reste le crédo de la droite extrême : pro-capitaliste et nationaliste.
Cette évolution trompeuse du FN doit être analysée collectivement par les organisations syndicales et politiques du mouvement ouvrier et du  mouvement  féministe que le FN a comme première tâche de détruire… pour le bien du capitalisme.
C’est ce qu’un récent colloque – très intéressant – de l’Institut d’histoire sociale de la CGT, a commencé à faire. Des colloques (et actions) sont souhaitables entre la CGT, la FSU et Solidaires pour faire tomber les masques du FN en 2012. Nous avons souhaité que ces quelques lignes d’analyse participent à ce travail commun.

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